Yann en Solo - L'Aventure Australienne - Péripétie 4, Partie 2
Cela faisait deux mois et demi que j'étais à Melbourne. J'avais une chambre en coloc et un boulot de livreur qui me permettait de survivre un minimum. Mon vélo venait d'être volé, mais j'avais réussi à garder le moral, et la volonté de continuer mon aventure.
Il me fallait de l'argent, donc je postulais à toutes les annonces de job que je pouvais. Et ça a payé, car un matin, j'ai reçu un coup de téléphone qui allait changer mon Aventure Sédentaire.
Quand j'ai répondu à l'appel, j'ai d'abord été étonné d'entendre une française me parler. Elle m'a dit être intéressée par ma candidature, et de venir pour un entretien en début d'après-midi. Honnêtement, je ne savais plus à quoi correspondait l'offre de cette compagnie, il faut dire que j'avais postulé à tellement de job, mais j'y suis allé serein.
Emma, que j'avais eu au téléphone, m'a reçu. On a d'abord commencé par une présentation du boulot, qui était de la prise de rendez-vous aux porte-à-porte pour une consultation gratuite avec un expert en énergie solaire. La consultation pouvait bien entendu amené à la vente de panneaux solaires, car c'était quand-même comme ça que l'entreprise qui nous employait en freelance gagnait de l'argent.
C'était donc encore une fois un boulot payé en commissions, pour chaque prise de rendez-vous, et également pour chaque ventes grâce à nos rendez-vous.
Avec mon niveau d'anglais, j'avais peu d'espoir d'être bon, mais c'était en tout cas un bon moyen d'améliorer ma communication. De plus, j'ai une assez bonne mémoire et j'ai été capable de retenir le speech assez bien, ce qui fait que pour Emma j'avais mes chances.
Ce qui m'a aussi poussé à accepter cette opportunité, c'était que les deux premières semaines avaient un salaire de base hebdomadaire de $500, pour ne pas décourager les nouveaux. Du coup, vu l'état financier dans lequel j'étais, je n'avais rien à perdre à le tenter.
Ça s'est ensuite enchaîné très vite, j'avais rendez-vous dès le lendemain matin pour partir deux jours dans le nord du Victoria et commencer ma formation. Oui, car ce job allait se faire à l'écart de Melbourne, dans des villes plus ou moins grandes de cet état australien. Et c'était un autre point intéressant, car j'allais pouvoir explorer d'autres parties du pays.
Je suis donc arrivé au point de rendez-vous à 9h, comme prévu. Le bureau était encore fermé, et les autres sont arrivés vers 9h30. Emma et deux nouveaux collègues, Darae, un irlandais que j'avais vu brièvement la veille, et Hammad, un pakistanais qui effectuait des études de droits à Melbourne.
Brent, le boss, est arrivé naturellement à 10h. La ponctualité n'était vraisemblablement pas son point fort, mais il faut dire qu'il gérait beaucoup de chose. Au lieu de directement partir, comme il avait encore quelques trucs à préparer, il a filé un peu d'argent à Emma pour qu'on aille s'acheter des pizzas et boire une bière en faisant plus amples connaissances.
En milieu d'après-midi on a été rejoint par Anne et Glen, un jeune couple allemand, et Jenn, une irlandaise, qui bossaient déjà ici avant. Puis on est enfin monté dans le van pour quatre heures de route jusqu'à Wodonga, à la frontière nord du Victoria.
Une fois arrivé, il était trop tard pour travailler, car on évite de frapper à la porte des gens vers 19/20h, on s'est donc posés dans un motel, pour manger des pizzas et boire des bières en faisant, encore une fois, plus amples connaissances. L'hébergement et la bouffe étaient payés par le boss, un autre bon point pour ce job.
On peut dire que c'était une drôle de première journée de boulot.
Le lendemain, on a attendu le boss toute la mâtinée, car il était parti faire un truc en nous laissant au motel. Il est revenu vers 14h30, où l'on a alors pu manger et aller travailler, parce qu'à la base on était un peu là pour ça.
Pour cette première journée à frapper aux portes, j'ai suivi Jenn afin de voir comment ça se passait sur le terrain. J'ai pu voir comment on gérait l'itinéraire des portes à frapper en fonction des différentes rues qui nous sont attribuées, et la prise de note des maisons où repasser si il n'y avait personne la première fois.
J'ai également pu voir les différentes réactions des gens, et le fait qu'ils étaient pour la plupart pas aussi intéressés par cette offre de consultation gratuite que je me l'étais imaginé. En deux heures, on avait pris qu'un seul rendez-vous.
Bon, pour être honnête, ça ne se passe pas toujours comme ça. En fin de journée j'ai suivi le boss, et on peut dire qu'il était vraiment bon pour bien expliquer ce qu'on faisait et intéresser les gens. Sur les quatre maisons où l'on avait frappé, il a pris 3 rendez-vous. Un bon ratio.
On est rentré sur Melbourne pour le week-end, et le job m'avait assez intéressé pour que j'ai envie d'essayer une vraie semaine complète.
Clément m'a averti qu'il avait un mauvais feeling à propos de ce boulot, à cause de gens indiquant sur des groupes facebook de français en Australie que ce genre de boulot étaient des arnaques. Darae nous avait d'ailleurs raconté qu'il avait fait un boulot similaire dans le Queensland, où il vendait directement les systèmes d'énergie solaire en porte-à-porte. Et au bout d'un moment, alors que lui et ses collègues auraient dû être payé, son patron s'est tiré avec tout le blé.
Bon, là je bossais avec d'autres gens qui travaillaient déjà depuis plusieurs mois avec Brent et n'avaient pas eu de problème, donc j'étais plutôt confiant.
Ce lundi, c'est Hammad qui m'a récupéré avec sa voiture en fin de mâtinée, et nous sommes retournés à Wodonga, dans un nouveau motel. Là nous avons attendu 2h que le reste de l'équipe arrivent. Une nouvelle collègue nous a rejoint, et alors que les plus anciens sont partis bosser un peu, nous avons profiter de la piscine.
Darae a proposé d'aller acheter un peu de vin pour se mettre bien, et quand les autres sont revenus avec des pizzas, on était bien.
Avec Darae on a beaucoup trop bu, et il a voulu s'acheter des clopes. Il a emprunté la voiture de Hammad, qui lui a prêté ne voyant qu'il était aussi saoul. Il faut dire qu'étant irlandais, il était difficile de voir qu'il était si bourré.
Il m'a demandé de venir avec lui, et comme j'étais moi-même très saoul, et que je ne sais pas trop pourquoi j'avais confiance en lui, j'ai accepté. Le voyage n'aurait pas dû prendre trop de temps non plus, mais Darae a voulu acheter à bouffer aussi, puis se balader.
De mon côté je commençais à être un peu malade, et je me suis endormi dans la voiture. Je me suis réveillé alors que la voiture tremblait violemment après s'être pris un rond-point. Complètement hors de contrôle, la voiture a arraché un grillage le long de la route, avant de se crasher contre une bretelle de sécurité.
Heureusement, même en étant extrêmement bourrés, on avait quand-même mis nos ceintures de sécurités, et ça nous a sauvé la vie.
En tout cas, ça m'a bien réveillé, et l'adrénaline m'a fait dessaouler très vite. De la fumée blanche s'est mise à sortir du capot, et on est rapidement sortis.
Des voisins, alertés par le bruit de l'accident, sont arrivés. Ils nous ont d'abord demandé si ça allait, puis nous ont informé qu'ils avaient déjà appelés les secours.
Darae balisait un peu, et il avait de quoi. Il était clairement trop alcoolisé, et savait que ça n'allait pas bien se passer avec la police. Il était en plus torse nu, ce qui n'arrangeait pas son cas.
Alors que les pompiers, ambulanciers et policiers sont arrivés, et ont demandé à parler avec Darae, j'ai de mon mon côté appelé Hammad, pour le prévenir que sa voiture venait d'être fracassée. J'ai ensuite passé le téléphone aux policiers, afin qu'ils discutent avec lui de tout les problèmes administratifs découlant d'un accident de la route.
Finalement, ils ont embarqué Darae, et m'ont laissé tout seul sur place.
Cette mésaventure ne s'arrêtait pas là, car je ne savais pas trop où j'étais. Google map m'a informé que j'étais dans la ville à côté de celle où se trouvait le motel. Cette ville se trouvait même dans un autre état.
J'ai commencé à marcher sans tarder, car le temps de trajet estimé était de 2h..
Pendant que je marchais, je sentais que l'adrénaline ne faisait plus effet, et que la fatigue revenait. J'ai alors ressenti une extrême douleur à la poitrine. Je ne sais pas vraiment d'où elle venait, mais je ne pouvais plus marcher, et il a fallu que je m'allonge, et que je vomisse, pour que ça passe.
Je suis alors reparti, mais la douleur est revenue de plus belle, et j'ai dû rester allongé plus longtemps, si bien que je me suis endormi sur le trottoir.
Je me suis fait réveiller par un passant qui m'a demandé si ça allait. Je lui ai répondu que oui, comme d'hab, et je me suis rendormi. Peu de temps après, je me suis fait réveiller par les mêmes policiers que j'avais vu plus tôt. C'est le passant qui les avait appelé.
Cette fois, au lieu de me laisser me démerder, ils m'ont appelé un taxi, et heureusement j'avais le nom du motel sur la clé pour le diriger.
Je suis arrivé vers 4h du mat', et Hammad m'attendait. Je luis ai raconté toute l'histoire, et finalement j'ai pu aller me coucher.
Le lendemain a été un peu dur, et l'humeur n'était pas au top.
Darae a passé la nuit au poste de police, et s'est fait viré évidemment. En plus, il n'avait pas son permis de conduire sur lui, et son visa australien était expiré.. Je ne l'ai jamais revu, et je ne sais pas ce qui lui est arrivé.
Il m'a appelé, pour s'excuser de m'avoir presque buter, et il s'est excusé auprès de Hammad, à qui il a dit qu'il rembourserai la voiture. On doutait un peu que ce soit le cas, étant donné qu'il était totalement fauché..
J'admire beaucoup Hammad, qui au lieu de sombrer dans une rage envers Darae, et dans une dépression suite à la perte de sa voiture, à préférer rester positif et se focaliser sur trouver des solutions.
En début d'après-midi on est allé bosser. Les anciens sont partis sur le terrain, pendant que nous sommes restés avec le boss pour nous exercer. Puis il nous a déposer dans la rue pour enfin voler de nos propres ailes.
C'était un peu étrange, mais je n'étais pas du tout stressé. C'était peut-être parce qu'avec mon expérience de livreur, aussi bien à Melbourne, que pendant un an en France, j'étais habitué à aller frapper à la porte des gens. De plus, j'avais aussi bossé un peu en hotline, où je parlais avec plein d'inconnus.
En général, j'essaie toujours de relativiser les situations avec ce que toutes mes expériences m'ont apporté.
Le facteur de l'anglais, au lieu de rendre ça plus effrayant, me faisait plutôt prendre de la distance avec ce boulot, le faisant apparaître comme une sorte de jeu, d'exercice me permettant d'améliorer ma communication.
Bon, avec tout ça, je n'ai quand-même pas pris un seul rendez-vous, mais on avait eu seulement deux heures, donc je ne me décourageais pas trop.
La soirée fut plus tranquille que la veille. On a gentiment mangé des pizzas (encore), en buvant du coca, et en jouant au “Head's Up”, un jeu de Elen DeGeneres que Jenn avait sur son téléphone.
Le lendemain, pour le premier vrai jour entier en solo des newbies, on a eu droit à un ultimatum, une manière du boss pour nous 'motiver'. En gros, si l'on avait aucun rendez-vous dans la journée, l'aventure était finie pour nous, et il nous raccompagnait direct à la gare.
Vers 17h30, après une après-midi à frapper aux portes, je n'avais toujours pas de rendez-vous, mais je continuais inlassablement. Le boss m'a appelé, pour me rappeler de garder une attitude positive, car c'était le plus important, et de ne pas m'en faire pour l'ultimatum, qui était juste une motivation, sans réelles conséquences.
Peu de temps après, je suis tombé sur une dame qui était intéressée par les panneaux solaires, et m'a fait rentrer chez elle avant même que je finisse mon speech. Il faut dire qu'il faisait plus frais à l'intérieur, et pendant qu'elle continuais son repassage, j'ai fini de lui expliquer comment ça se passait, avant de prendre un rendez-vous.
J'étais plutôt content, et quand le boss est venu me récupérer plus tard, il le semblait aussi.
Le lendemain était férié, car c'était le Australia Day. Hammad a décidé de rentrer sur Melbourne, parce qu'il avait des trucs à régler avec sa voiture et tout. Le boss a décidé que comme c'était un jour particulier, seul les anciens allaient travailler. Je me suis donc retrouvé tout seul, car la nouvelle avait décidé de quitter l'aventure après avoir appris que l'entreprise pour laquelle on travaillé n'était pas réellement fondée par le gouvernement, mais simplement aidée, comme beaucoup d'entreprises qui font du solaire.
Pour vous montrer à quel point c'était un jour spécial, Anne a bu plus de bières avec des gens qu'elle a rencontré que pris de rendez-vous.
Le lendemain j'ai pu prendre un rendez-vous, avant que finalement se termine cette semaine forte en émotion, et que je rentre à Melbourne.
Ce week-end là, j'avais été au commissariat pour prendre quelques nouvelles de mon vélo volé, mais ça n'avait malheureusement pas avancé..
Hammad n'était pas revenu, et j'étais donc le dernier nouveau encore présent. Une nouvelle nouvelle était arrivée, Sonja, une jeune allemande de 18 ans fraîchement débarquée en Australie.
Comme tout les lundis, on est encore arrivé assez tard, du coup on a pas travaillé.
Le lendemain le boss m'a donné un nouveau speech à apprendre, et comme je ne le maîtrisais pas totalement, ça ne m'a pas trop aidé à avoir de rendez-vous dans l'après-midi, d'autant plus que mon 'turf' (c'est comme ça qu'on appelait notre portion de carte) était principalement habité par des gens en location, des gens qui avaient déjà des panneaux solaires, et des gens pas du tout intéressés. D'ailleurs, j'accorde une mention spécial au mec qui, alors que j'étais en plein speech, s'est simplement retourné et m'a fermé la porte au nez, sans un mot.
Le reste de la semaine s'est déroulé tranquillement. J'oscillais encore entre 0 et 1 rendez-vous pris par jour, ce qui n'était pas terrible, surtout que j'arrivais à la fin de ma période de salaire fixe..
On a continué à manger des pizzas, burger et poulet fris. Et Jenn s'est fait renvoyer car apparemment elle se serait pris la tête avec le boss au sujet de ses chatons qui n'étaient pas autorisés dans les motels.
On a fait connaissance avec Jess et Nikhil, des collègues qui travaillaient pour Brent depuis décembre et que l'on avait jamais vu car ils formaient une autre équipe séparées.
Le week-end nous sommes restés dans le coin, car le boss ne voulait pas encore perdre un nouveau lundi en transport. On s'est installé dans un lodge à Wangaratta, spécialement privatisé pour l'équipe.
C'était pas mal, on avait une salle commune avec des canapés et un billard. Une cuisine, pas super bien équipée, mais quand-même, ça nous permettrait de ne pas manger que du fast food. Et pas mal de lits en dortoir, ce qui donnait la possibilité d'avoir plus de monde. Et c'était aussi plus facile pour le boss de gérer une plus grosse équipe en ayant un lieu fixe, plutôt que de changer fréquemment de motel.
J'ai pu faire connaissance plus amplement avec Anne et Glen, que je ne connaissais pas énormément parce qu'ils étaient souvent dans une chambre ensemble, à l'écart. En jouant à “Card against Humanity”, un jeu de carte absurde plutôt drôle, nous avons donc discuté, notamment du fait que j'avais voyagé en vélo de Brisbane à Melbourne (et ce détail aura son importance).
La semaine suivante, c'était la fin de ma paie hebdomadaire fixe, c'est à dire que je n'étais payé que des commissions. Autant dire pas beaucoup.
Je ne savais pas si le boss allait me garder, si je n'étais pas assez bon, et je ne savais pas si c'était très rentable pour moi de rester de toute façon.
J'avais réfléchi à ce dilemme toute la semaine, et finalement le boss a appris que j'avais fait mes périples en vélo, et a été impressionné. Encore plus quand je lui ai dit que je m'apprêtai à traverser le désert australien. Il comprenait mieux pourquoi j'arrivais à tenir toute la journée, frappant inlassablement aux portes, sans succès, jusqu'à avoir en fin de journée un rendez-vous. J'avais du mental, et ça lui indiquait qu'avec du temps je devrais devenir meilleur.
Il m'a alors proposé de m'installer dans le lodge, avec toute mes affaires, ce qui me permettrai de quitter mon logement de Melbourne et de ne plus avoir de loyer à payer. Avec en plus les repas de payés, même si je ne gagnais pas énormément, au moins tout serait du bénéfice directement mit dans mes économies pour l'Aventure.
Pour m'aider encore plus, il m'a proposé le poste de caretaker du lodge, pour environ 150 dollars par semaine. C'est à dire que je m'occupais de ranger et nettoyer un peu des trucs, d'aider les gens qui avait des problèmes, et quelques autres choses diverses et variées, comme vous le verrez dans le prochain ''Yann en Solo''.
Après quelques temps un peu indécis sur mon sort, il semblait que j'étais maintenant sur un bonne lancée pour économiser et me préparer à la suite des mes aventures. J'avais échappé à la mort de justesse, ce qui m'avait remit sur le droit chemin, mais ça n'allait pas m'empêcher de braver le danger très prochainement...
Allez, @ la prochaine,
et Bon vent
Yann